jeudi 15 novembre 2018

Livres lus ou relus (terminés entre le 19 et le 25/10)


-Guillaume Apollinaire, Souvenirs de la grande guerre, Bibliothèque artistique et littéraire, 1980
-Entretiens de Confucius, traduit du chinois par Anne Cheng, Seuil, 1981
-Ali Tareb, Un homme avec une mouche dans la bouche, traduit de l’arabe (Irak) par Souad Labbize, Éditions des Lisières, 2017
-Aya Mansour, Seule elle chante, traduit de l’arabe (Irak) par Souad Labbize, Éditions des Lisières, 2017
-Robert Walser, Morceaux de prose, traduit de l’allemand par Marion Graf, Zoé, 2008

1-Bref journal d’Apollinaire, abandonné, qui ne correspondait pas à ce que j’en attandait (lecture en vue du travail). Texte en marge, pour spécialiste.
2-Adolescent, j’avais lu les Entretiens de Confucius dans la traduction de Pierre Ryckmans, qu’évoque Billeter dans son essai sur la traduction, dans une perception plutôt négative. Je ne retrouve pas ici le texte dont j’avais gardé quelques souvenirs et une impression qui m’avait marquée. [La lecture et (pour ?) l’oubli. La question de la maxime, du trait bref.] Je n’ai lu la préface, très éclairante, du point de vue de la tradition du texte et de son histoire, qu’après les entretiens. Un certain désarroi, et un intérêt qui s’est réduit – ou en tous cas, a changé d’angle d’attaque.
3-Ali Thareb est un autre membre de la « milice de la culture », avec kadhem Khanjar et Mazin Mamoory. Lecture identique : rapide, trop, dans l’idée de préselectionner des textes dans la perspective du travail. Y revenir. Trois textes qui témoignent d’un état politique, d’une violence extrême et d’un rapport au monde bouleversé.
4-Aya Mansour est aussi irakienne et on retrouve les mêmes préoccupations, avec un rapport à l’ironie dont on ne sait s’il redouble la violence ou la met à distance. « Ils coupent les têtes de la solitude / dans le vide / les questions se réveillent / et mon cœur continue calmement / à traîner l’habit de mon âme / et à rire » (57).
5-Publiés du vivant de l’auteur, et donc choisis par lui, ces Morceaux de prose allient errance, légèreté, absurde quotidien (« La saucisse » !), humour (une parenté avec Kafka) et l’écriture fine et délicate. La nouvelle, le poème narratif, la prose brève, maîtrisée dans la dérive.

mercredi 14 novembre 2018

Livres lus ou relus (terminés entre le 12 et le 18/10)


- Irène Némirovsky, L’affaire Courilof, Grasset, 1933
- Mazin Mamoory, Cadavre dans une maison obscure, traduit de l’arabe (Irak) par Antoine Jockey, Lanskine, 2018
- Jean-Claude Moscovici, Voyage à Pitchipoï, L’école des loisirs, 1995
- Jean-François Billeter, Quatre essais sur la traduction, Allia, 2018
- René Char, Fureur et mystère, Gallimard / Poésie, 1967
- Jacques-Rémy Girerd, La Prophétie des grenouilles, Hachette, 2003

1- Continuer dans le goût romanesque, dans un presque roman policier, avec double narration, encadrée [quelque chose du récit de Maupassant dans l’économie narrative de Némirovsky ? – idée qui ne me vient pas seulement de la lecture de ce livre]. Ce qui est commun aux quatre livres, c’est un déplacement physique, une expérience de l’exote – sociologiquement, au moins – et un questionnement tourné vers l’autre et soi, doublement par ricochet – la question d’une « identité » qui vole en éclats, sans doute. Un espace d’incertitude, dans la « psychologie » des personnages.
2- Mazin Mamoory, comme Kadhem Khanjar, appartient à la « Milice de la culture », et on retrouve bien évidemment quelque chose de commun entre les deux. Mamoory est peintre (et j’aime le peu de tableaux que je connaisse de lui), et on sent cette préoccupation de construction visuelle dan sa façon d’appréhender son texte, par les lexiques, la construction. Une lecture rapide, de travail en partie, par sélection, filtrage – je procède souvent de cette manière – et j’y reviendrai autrement, par d’autres voies, plus tard.
3- Deux lectures de travail (relectures, de fait, se remettre en mémoire pour construire), et je me laisse aller au récit, oublié. Le témoignage de Moscovici, un survivant, qui prend.
4- Essai très stimulant de Jean-François Billeter, lecture de bus, par à coups, qui s’arrête en plein essor – et c’est bien, ça fait mouvoir le dehors. Sous des dehors parfois prescriptifs qui peuvent rebuter, c’est un travail d’analyse très fine de la traduction du chinois, de la poésie chinoise classique (« On ne peut la traduire, mais on peut suggérer ce qu’elle fut. » - 55), pour le peu que j’en puisse juger – c'est-à-dire : faire confiance [ et je pense en écho au Meng de Jean-René Lassalle, qui proposait un autre mode de lecture de la traduction, par la recréation, l’écriture d’autre chose, mais dans des préoccupations proches – comment rendre un système syntaxique si étranger, différant tellement du notre ?], confiance aidée par les multiples références à d’autres traductions, d’autres travaux, et à une recherche très fouillée, avec des exemples de traduction, comme en train de se faire, un travail d’investigation, par les raccourcis, les chemins plus longs, lents, les impasses et tous les jeux de possibilités dans lesquels il faut trancher pour obtenir un résultat, avec aussi ce qui tient de l’interprétation, au sens musical (98 &: « Dans certains cas, le travail de l’interprète consiste avant tout à chercher le ton juste. » - 101) : « Le poème est une sorte d’agencement nucléaire destiné à être développé par une savouration récurrente. La puissance de ce noyau se mesure aux effets qu’il déploie à la longue. » (26). La métaphore de la musique accompagne tout le livre, et le fait de suivre l’auteur dans les méandres qui l’amènent à un résultat pour chaque poème traduit, qui dès lors n’est plus seulement résultat, amis état d’une dynamique à l’œuvre, en témoins, intéresse et affecte : « C’est ce que disent le musiciens : leur plus grand plaisir est dans le travail qu’ils font durant les répétitions, non dans le concert » (126). Un autre mode, donc, de lire, et qui nous est ici offert.
5- Et je note aussi, parce que ça m’éclaire une façon de lire, d’écrire : « J’en ai conclu qu’au lieu de s’obstiner à traduire, il fallait essayer de parler des effets du poème, de l’événement qu’il produit dans l’esprit du lecteur. On donnerait ainsi au poème une présence indirecte tout comme le poème lui-même donne une présence indirecte au réel. L’effet de chaque poème étant particulier, la description aurait à suivre chaque fois des voies différentes. » (12)
6- Décidément, je n’arrive pas avec René Char. On me pousse. Je crois que c’est le côté « maxime » parfois, avec les définitions du « poète », et l’usage du présent gnomique, qui m’empêche, me ferme une lecture plus honnête sans doute, et plus intéressée. Quand même je note : « Le poème est une assemblée en mouvement de valeurs originales déterminantes en relations contemporaines avec quelqu’un que cette circonstance fait premier. » (72) ; « Lyre sans bornes des poussières, / Surcroît de notre cœur. «  (197). De ce  fait, aussi sans doute, Les feuillets d’Hypnos, plus prosaïques (« Curiosité glacée. Evaluation sans objet. » - 104), souvent de l’ordre du travail de diariste (97, 100, 105…), me sont plus familiers, plus proches, j’en apprécie l’écriture, qui parfois touche, provoque l’enthousiasme, la sympathie.
7- Cette lecture : longue, coupée, sur plusieurs mois, qui correspond aussi à la lecture parallèle de textes s’apparentant à la maxime. Je cherche, je me demande quoi. Un travail de limites ?

mardi 13 novembre 2018

Livres lus ou relus (terminés entre le 5 et le 11/10)


- James Ellroy, Extorsion, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean-Claude Gratias, Rivages, 2014
- Kamome Shirahama, L’atelier des sorciers I, traduit par Fedoua Lamodière, PIKA, 2018
- James Cameron, Avatar, le roman du film, , traduit de l’américain par Jean-Noël Châtain, Hachette, « Bibliothèque verte », 2010
- Irène Némirovsky, Le bal, Grasset, 1930
- Irène Némirovsky, Les mouches d’automne, Grasset, 1931
- Blaise Cendrars, J’ai saigné, Hatier, 2012 (1938)
- Irène Némirovsky, David Golder, Grasset, 1929
 



1- Un petit Ellroy, rapide, qui file vite, disparaît. La chasse aux sorcières, la presse de caniveau, entre diverses modalités de récit : fantastique, enquête, fausse autobiographie, références réelles, distorsions. Une fantaisie.
2- Mon deuxième Manga, shonen, me dit-on. Un manga pour jeune garçon, dont le personnage principal est une apprentie sorcière, un manga pour fille ? Étrange bousculade de genres. On sent l’influence d’Harry Potter, et du graphisme européen – un travail graphique intéressant, d’ailleurs.
3- Je me souviens des bibliothèques roses qui reprenaient des films (Disney, en général – je rêvais de voir Le trou noir au cinéma, dont nous possédions aussi un livre-disque – 45 tours, la petite musique qui indiquait le changement de page et les effets spéciaux sonores). Enthousiasme de ma fille, donc je lis, vite. Produit dérivé, d’une lecture facile.
4- Lecture de travail, avec donc un objectif précis, sur l’autobiographie, le témoignage, la guerre. Je n’avais pas lu Cendrars depuis longtemps, et ce récit entrouvre la bibliothèque : fouiller déplacer des livres, faire un tas à porter de main, du moment (Bourlinguer, tiens.), sur l'étagère.
5- L’occasion fait le larron (au hasard, et le format des Cahiers rouges, parfaits à ce moment-là) et l’appétit pour le romanesque. Les livres brefs de Némirovsky, qui m’enthousiasment de façon inattendue, gourmandise, une manière de tourner autour d’un centre, d’utiliser différents modes de vue, pas réellement tranchés. La bourgeoisie, une forme d’exil, de déclassement, les événements, le passé, l’idéal, la vie, la survie, ce qui se défait, ce qui reste, le montage et les pirouettes narratives qui prennent corps.

lundi 12 novembre 2018

Livres lus ou relus (terminés entre le 28/9 et le 4/10)


- Agnès Domergue et Cécile Huissier, Il était une fois… Contes en haïku, Thierry Magnier, 2013
- Michel Tournier, L’aire du muguet,  Gallimard, Folio Junior, 1982
- Graham Clarke, Alfred Stieglitz, Phaidon, 2006
- Eugène Atget, Paris, édité Par Jean-Claude Gautran, Taschen, 2016
- La Rochefoucauld, Maximes, Garnier-Flammarion, 1977

1- Amusants petits haïkus en énigmes pour découvrir le titre d’un conte. Lecture de travail, d’utilisation facile.
2- Autre lecture de travail, nouvelle à chute, avec le décalage de temps qui fait qu’un texte sans doute intéressera moins, le contexte, la langue (?) – lire à la place de, sans doute dans une perception tronquée, faire le choix. Et avec La mort d’Olivier Bécaille de Zola et La lettre volée de Poe, proposer un choix pour un exercice scolaire, dans les livres à disposition – et le Tournier n’a pas été choisi, dommage - en vérifier la lecture autre.
3- Livre d’images, connues pour la plupart, le format, l’ordonnancement, regraver dans un autre ordre ce qui marque. Comment on reconvoque l’image de l’image, la première, une superposition de calques dans revoir. Par couches successives.
4- Atget, découvrir : les espaces souvent vides, visages bougés des passants (ce qui, au plus haut point, mais dans la marge exposant, me fascine). Le photographe pensant document, arpentant pour mémoire, usage second de son image comme sans valeur propre – ce qu’on en fera – et pourtant les albums auto-édités, et l'envie de les voir matériellement, ce qu'ils suscitent. Ce qui me frappe : les jeux sur la profondeur, la construction de la perspective, d’une représentation de la ville (très différente de celle que j’imaginais, par ailleurs).
5- Relire la Rochefoucault, qui m’avait énormément marqué étudiant, et qui a été redoublé plus tard par la lecture de La Fontaine (L’homme et son image, très bel hommage). Reprendre l’image d’un livre, sous un autre œil, en réduire la perspective, avec la déception du retour sur ses pas, s’étonner des notes retrouvées sur un papier griffonné, la naïveté perdue. Le temps, le moment du livre. « les biens et les maux qui nous arrivent ne nous touchent pas selon leur grandeur, mais selon notre sensibilité. » (102)