dimanche 18 décembre 2016

Livres lus ou relus (terminés entre le 8 et le 15/12)

- Eugène Savitzkaya, A la cyprine, Minuit, 2015
- Nicolas Tardy, Liens à creuser, lnk, 2016
- Nicolas Tardy, Poèmes ménagers, L'Attente, 2002
- Eric Chevillard, Mourir m'enrhume, Minuit, 1987

1- Plus de cinéma, moins de livres. Fabriquer des livres, moins de lecture
2- Rêvasser un peu, dormir comme on sombre, abandon du polar du soir.
3- Lecture plus réussie d'A la cyprine, dont la première attaque m'avait beaucoup déçue, sans doute du fait de la diversité des formes, qui vont de choses très simples, presque vers de mirlitons, à la jungle plus dense habituelle. Et l'horizon d'attente de Cochon farci. Les choses trouvent plus leur place cette fois-ci, dans ces textes amoureux, corporels et sexués, toujours dans une luxuriance verbale.
3- Relecture d'un lnk, le travail fait. Nicolas Tardy clôt la série. J'aime son travail sur le cut up, le mix, les changements de registres, le jeu de mot, les catapultages high/low culture. Lisez les Poèmes ménagers.
4- J'ai dû lire le livre de Chevillard en 1988 ou 1989 pour la première fois, emprunté à la bibliothèque municipale, alors que je grappillais un peu à droite à gauche pour tester des choses, ce queje fais encore, mais nettement moins. Un avant-goût. Depuis, il m'accompagne et j'aime toujours avoir un de ses opus non lu dans les parages, au cas où. Comme un compagnon. Dans ces aventures drôles et absurdes, avec de drôles d'envolées délirantes, je vois maintenant mieux quelques défauts techniques, quelques sources, je perçois une évolution, mais je reste toujours très attaché à ce livre: monsieur Théo explorant l'univers et fomentant des plans diaboliques de son lit de mort pour débarrasser la Terre de son humanité, avec le soutien de la petite Lise, et la présence importune de le vieille Plock, Suzie de son prénom.
5- Sortir des livres de la bibliothèque, papillonner de l'un à l'autre, chrestomathie intime en mouvement, faire des piles, les voir s'effondrer, ranger, passer l'aspirateur. Ne pas négliger les tâches ménagères.

dimanche 11 décembre 2016

Livres lus ou relus (terminés entre le 2 et le 8/12)

- Lao-Tzeu, La voie et la vertu (Tao-tê-king), traduction de François Huang et Pierre Leyris, Seuils, "points", 1979
- Christophe Mescolini, Selves, manuscrit inédit
- Helena Eriksson, Théorème de densité, traduit par l'auteur et Jonas (J) Magnusson, Eric Pesty Editeur, 2011
- Helena Eriksson, Entre ou L'autre proximité, traduit par l'auteur et Eric Pesty, lnk, 2016
- Eugène Savistzkaya, Cochon farci, Minuit, 1996
- Martin Richet, Météorologiques, Climat de chasseur, lnk, 2016
- Martin Richet, Météorologiques,"à la dérive", lnk, 2016
- Dominique Rouche, Hiulques Copules, Gallimard, 1973
 - K.O.S.H.K.O.N.O.N.G, revue dirigée par Jean Daive, Eric Pesty Editeur, numéro 6, 2014
 - K.O.S.H.K.O.N.O.N.G, revue dirigée par Jean Daive, Eric Pesty Editeur, numéro 7, 2015
- K.O.S.H.K.O.N.O.N.G, revue dirigée par Jean Daive, Eric Pesty Editeur, numéro 8, 2015
- K.O.S.H.K.O.N.O.N.G, revue dirigée par Jean Daive, Eric Pesty Editeur, numéro 9, 2015
 - K.O.S.H.K.O.N.O.N.G, revue dirigée par Jean Daive, Eric Pesty Editeur, numéro 10, 2016

1- Lao-Tzeu, recommencé plusieurs fois en 25 ans, jamais terminé. La vie autonome des livres dans la bibliothèque. Lecture dans le bus, pas assez attentive. Je pense à Confucius par certains aspects (et à François Matton pour d'autres raisons!), prends quelques notes, survole trop rapidement. J'y suis revenu par Queneau, en pensant au Yi-King, que je ne connais pour le coup pas du tout. Y revenir encore, plus tard. Ce qui se fabrique dans l'idée du livre et son désir, dans la fixation de l'objet feuilleté.
2- "Plus loin tu vas / moins tu connais"
3- Un manuscrit est-il un livre? A-t-il sa place dans une liste de livres? Au delà de l'amitié, un texte que j'ai lu de nombreuses fois et que j'aimerais compulser dans un vrai volume. Le texte est très fort, fin dans un geste de répétition de l'image et sa création: chaque lecture, selon qu'elle se focalise sur tel ou tel détail, change la perception de l'ensemble. Je le lis non comme le livre de Christophe, mais il se détache de l'image de l'ami, comme on enlève la planche de décalcomanie pour la ranger dans sa poche: ce livre, je me l'approprie dans la lecture, les lectures multiples. Abstraction de l'amitié vers le concret de l'objet, mien. Affection à distance, prise de relai.
4- lnk en cours de fabrication: on focalise sur les charnières, les hauts et bas de page, on n'en peut plus du texte à force de le déplacer. En général, je ne les relis pas, pas tout de suite, ils doivent prendre leur place. Ici, un vrai plaisir de relecture, après la mise en page, pour vérifier des détails et profiter du texte. Ce sont les derniers et je ne mesure pas bien la chance d'avoir publié des chapbooks que j'aime, d'auteurs que j'aime.
5- Lecture ratée de Théorème de densité  - encore un livre relu à plusieurs reprises, dont chaque fréquentation apporte un jour nouveau -, encore que: une impression de quelque chose qui m'avait échappé, dans une dimension plus "lyrique", pour simplifier... Laisser reposer. Echange avec Helena sur l'évolution de sa propre lecture d'Entre ou L'autre proximité.
6- Cochon farci est sans doute le livre que je préfère de Savitzkaya, dans la maîtrise formelle, le lyrisme sauvage, clinique et détaché, amoureux et féroce.
7- Lire un livre auquel on ne comprend, rien, qui vous échappe sans cesse, l'angoisse de la page blanche du côté du lecteur, pour reprendre une idée de Susan M. Schultz, et pourtant s'y laisser aller, voir ce qui se passe au bout du bout, en ayant le sentiment d'être dans un territoire totalement étranger, inouï, d'un exotisme total. Hiulques copules fend mon activité de lecteur: j'y vois bien un désir du livre (biblique dans la profération, mallarméen, y compris dans le théâtre des paroles qui ferme le texte), sa représentation corporelle, physique, sexuée aussi, un discours sur l'analyse (lacanienne?), mais globalement cela m'échappe. Je relis le texte que Michèle Cohen-Halimi lui a consacré dans L'Anagnoste, qui me conforte dans certaines impressions, mais ne m'éclaire pas pour autant. Un mystère, une énigme. Et qui me convient.
8- Deuxième partie de la relecture de K.O.S.H.K.O.N.O.N.G, dans une cohérence fuyante, en mire, le travail de Jean Daive. Je relève: "c'est mensonge combinatoire, reconnectant / phy et psy en codique alternance explique pas relation de quelle / vérité à quel secret" (K6, J.-R. L.); "les lignes étant subdivisées en courts segments - autant de croisements" (K7, G.M.); "Les deux verbes de la langue ajouter et séparer sont les seuls que l'on ait." (K8, T.G.); "L'incertitude maintient dans la dispersion le spectacle mais, parce que, et quoi si." (K9, R.W.); "Certains riaient de ne pas comprendre, d'autres entendaient seulement des balbutiements illogiques, d'autres encore étaient saisis par cette lutte inouïe pour le concept" (K10, M. C.-H.)
9- Reprendre Iser.

mardi 6 décembre 2016

Livres lus ou relus (terminés entre le 25/11 et le 1/12)

- Martin Richet, De l'âme, Eric Pesty Editeur, 2016
- Martin Richet, Bureau vertical Onze pour table, Les cahiers de la Seine, 2006
- Martin Richet, L'autobiographie de Gertrude Stein, Eric Pesty Editeur, 2011
- Gertrude Stein, Le livre de lecture, illustrations d'Alice Lorenzi, traduction de Martin Richet, Cambourakis, 2016
- K.O.S.H.KO.N.O.N.G, revue dirigée par Jean Daive, Eric Pesty Editeur, numéro 1, 2012
- K.O.S.H.KO.N.O.N.G, revue dirigée par Jean Daive, Eric Pesty Editeur, numéro 2, 2013
- K.O.S.H.KO.N.O.N.G, revue dirigée par Jean Daive, Eric Pesty Editeur, numéro 3, 2013
- K.O.S.H.KO.N.O.N.G, revue dirigée par Jean Daive, Eric Pesty Editeur, numéro 4, 2014
- Italo Calvino, Forêt-racine-labyrinthe, traduit de l'italien par Fournel & Roubaud, Seghers, 1991
- Anne Portugal, En parlant de salut public, lnk, 2012
- Eugène Savitzkaya, La folie originelle, Minuit, 1991
- Jean-René Lassalle, Rêve : Mèng, Grèges, 2016
- K.O.S.H.KO.N.O.N.G, revue dirigée par Jean Daive, Eric Pesty Editeur, numéro 5, 2014
- Emmanuel Hocquard, Ce qui n'advint pas, CIPM, 2016

1- Lire l'écriture de Martin Richet comme une lecture. Un renversement de perspective, un manuel de lecture. Sans doute lié aux circonstances (la traduction de Gertrude Stein, texte faussement enfantin, dans le plaisir du répété, et du bel objet cartonné et toilé, que ma fille a insisté pour que je choisisse). L'autobiographie de Gertrude Stein, dans ce à quoi elle allude (Toklas), et dans l'idée des traductions qu'en avait déjà fait Martin Richet, bien sûr. Et dans la préoccupation sur les effets du langage, perceptible dès son "premier" livre (personnel, sous son nom, même si on perçoit que les traductions s'ordonnent aussi selon un travail précis, qui en font aussi une "œuvre" de Richet). Dans De l'âme, la première page pose quelque chose de l'ordre de la lecture, dont je relève: "Soumission au papier. // Je vous soumets au papier. // La page se vide de lumière. // Il y a quelque chose en vous qui écrit. Qu'est-ce que c'est? C'est moi. // Il y a quelque chose en vous qui voit. Et quelque chose en moi ne parle pas." Une idée à creuser ou abandonner, mais l'envie de relire encore Richet.
2- Relire une revue, non plus à chaque livraison mais dans un continu, volume après volume, changer sa perception.
3- L'importance de la forme: le faible volume de la revue permet cette relecture, ce tissage de liens dans la lecture.
4- Je relève: "Consistance toujours utopique du lire" (K.1, M. C.-H.); "C'est sa capacité de recommencement qui se donne à lire." (K.2, M. C.-H.) "POUR QUI J'ECRIS? MAIS POUR QUI EST-CE QUE TU LIS" (K.3, W.H.); "chaque objet / tente de rassembler un corps", "Il y aurait donc une tentative, ici, de démontrer qu'une unité se faufile au milieu de ce désordre." (K.4, C. R.-J. puis J.-M. A.); "Etablir un plan ou une carte avec des parties inconnues." (K.5, J.-M. A.)...
5- Amusant conte médiéval et logique de Calvino, avec une stratégie de de retournement, de jeux en miroirs sur les personnages, un joyeux enchevêtrement ludique et frais. Quelque chose de simple, qui témoigne d'une complexité. Bien joué/jouer.
6- Relire Anne Portugal: quelque chose du conte de fée , y compris la gravité sautillante, une "inflexion" du prendre, du désir pris. Difficile d'expliquer à quelqu'un pour quoi. Voir plus haut.
7- Un Savistzkaya polyphonique, mais s'agit-il de théâtre? Toujours la répétition, l'anaphore et les lexiques obsédants, avec un langage proféré, avec une forme de Genèse, de poème de Création, avec des allusions explicites à la Bible, dans le nom d'un personnage, certaines formulations. Un jouir du langage, des paroles croisées, listées.
8- Première lecture à toute vitesse du dernier livre de Jean-René Lassalle, plus facile que Poèmes carrés, avec une règle assez simple, un mode d'emploi, mais qui mène à l'écriture de variations scintillantes, polymorphes, des cristaux. Un bel objet, avec sa calligraphie chinoise. J'y reviendrai.
9- Hocquard revient sur ses quatre livres d'Une grammaire de Tanger, mais chaque rebours d'Hocquard a toujours quelque chose de projectif. Toujours cette lecture limpide, mais qui amène plus loin qu'on y pensait au départ. Un jeu d'élasticité entre différents plans. Il serait intéressant de réfléchir à l'élégiaque inverse par un biais de ce genre.